Les médecines alternatives, une voie possible en France ?

  L’industrie du bien-être. Voilà un domaine dont on entend de plus en plus parler dans la sphère publique, que ce soit pour en vanter les mérites ou au contraire avertir contre les dérives. Selon une étude de l’OMS, pas moins de 71% des Français ont déjà eu recours à des médecines alternatives ou pratiques de soins non conventionnelles et le Conseil national de l’Ordre des médecins avertit dans un rapport sur l’essor et les risques que cela entraîne (GAUDIAUT, 2024). Mais stigmatiser des pratiques qui regroupent plus d’une centaine d’approches différentes, venant d’horizons aussi divers qu’anciens, et sachant que de plus en plus de personnes s’y intéressent, n’est-ce pas tenter de cacher des perspectives nouvelles pour nos sociétés ?       

  Les « médecines alternatives », ou « pseudo-médecines » feraient concurrence à la médecine conventionnelle par des approches différentes de la santé et de la psychologie et sont depuis longtemps mal considérées par les autorités de santé. Les personnes s’y tournent suite à une déception vis-à-vis du système médical actuel qui « ne trouve pas » ce dont ils souffrent, un manque de considération de certains aspects de leur souffrance, ou le besoin de trouver une médecine qui prend davantage en compte leur avis et ne prescrit pas médicaments et ordonnances médicales la plupart du temps incompréhensibles pour lui. Le patient trouve souvent en les médecines douces une approche holistique (qui prend en compte tous les aspects de la vie du patient) rassurante et plus naturelle. Il y rencontre aussi une méthode basée sur des discussions plus approfondies qu’avec un médecin conventionnel et une écoute de leurs besoins et modes de vie plus attentive. 

  Finalement, est-ce que ces pratiques médicales alternatives pourraient se révéler une complémentaire à la médecine conventionnelle notamment à l’ère où les questions sur l’urgence climatique et nos modes de vies consuméristes ouvrent les consciences sur la nécessité de « faire autrement » ou est-elle trop différente de notre système de santé actuel ? 

L’Allemagne : un pays modèle d’inclusion des médecines alternatives dont la France pourrait s’inspirer ? 

  En Allemagne, les Heilpraktiker, les praticiens de la santé des médecines alternatives, peuvent exercer depuis le milieu du XIX^e siècle un art de la guérison différent des médecins diplômés, preuve de l’ancrage ancien de cette culture du bien-être. Il existe pas moins de 47 000 Heilpraktiker en Allemagne (KOHN, 2019). La formation n’est pas uniforme, mais l’examen des thérapies alternatives est très encadré depuis les directives nationales du 22 mars 2018 et restreignent les pratiques effectives de ces médecins dans un cadre strict, différent des formations médicales conventionnelles. 

  Si en principe, le Heilpraktiker peut se former seul, la plupart d’entre eux passent par des formations privées (l’Allemagne possède environ 300 écoles officielles, sans compter les cabinets privés qui proposent aussi des formations), donc souvent coûteuses et à temps partiel (une journée, une soirée, un week-end etc.) sur deux ans généralement. Cela ne veut pas dire que la formation est bâclée car les directives nationales exigent un cursus rigoureux qui apprend au futur praticien des connaissances aiguës « des limites et dangers des méthodes diagnostiques et thérapeutiques » et « des connaissances médicales approfondies » tout en connaissant les « règles d’hygiène et les procédures de qualité et d’information du patient » (KOHN, 2019). Cela donne lieu à une certification autorisant le praticien à exercer par une pratique respectueuse des règles qui ont cours dans la médecine conventionnelle.

  Aujourd’hui, de telles écoles naissent petit à petit en France depuis une quinzaine d’années environ, régulées par l’État français, et permettent les mêmes modalités d’accès à la formation de naturopathes, entraîneurs énergétiques, magnétiseurs, ostéopathes, sophrologues etc. C’est aujourd’hui un secteur en pleine expansion malgré une restriction stricte du gouvernement français des pratiques et des modalités d’exercice et une méfiance toujours présente par rapport à ce type de médecine vue comme moins efficace, voire même crapuleuse. Aujourd’hui, toute personne ayant suivie une formation peut se prétendre thérapeute et les dérives à caractère sectaire sont bel et bien présentes dans le domaine du bien-être avec la promesse d’un lendemain « plus sain ».  

Qu’est-ce que c’est, les médecines alternatives et pourquoi sont-elles controversées ? 

  Aujourd’hui, on nomme « médecines alternatives » toutes les pratiques de soin qui ne font pas appel à la médecine dite conventionnelle (santé.gouv). Parfois appelées « douces », ce sont des traitements moins invasifs pour la santé du patient dans la mesure où elle passe par l’absorption de produits naturels, par le rééquilibrage des énergies, de la diététique et un mode de vie plus « naturel ». 

  Les médecines alternatives sont la plupart du temps issues des médecines traditionnelles dispensées parfois depuis l’Antiquité dans différentes parties du monde, mais aussi des pratiques plus modernes, et englobant un ensemble très vaste de pratiques : usages de plantes médicinales, d’huiles essentielles, pratiques énergétiques (chinoise, ayurvédique…) et de gestion du stress et de l’esprit (méditation), acupuncture, hypnose, réflexologie, homéopathie, ostéopathie etc. 

  Là où la médecine conventionnelle guérit le mal, la médecine non-conventionnelle a en temps normal davantage comme but de prévenir ou aider au bien-être mental et physique du patient ; c’est la raison pour laquelle elle est dite « complémentaire ». Ces formes de médecines ne sont pour cette raison pas considérées comme de vraies médecines car elles ne guérissent pas, elles ne font qu’« aider », dans la mesure du possible, un patient à se sentir mieux dans son corps, dans l’idée que le corps et l’esprit sont considérés comme un ensemble, et privilégier la prévention et le processus de guérison. 

  Or, ces pratiques, quand elles ne sont pas suffisamment régulées, peuvent donner cours à des fraudes ou des erreurs médicales très graves. Il existe bien sûr de nombreuses controverses autour de ces pratiques. Évidemment, la plus problématique d’entre elle, outre le charlatanisme ou les propagandes de désinformation sur la santé – notamment depuis la crise du Covid en 2020 et les controverses sur le vaccins – est sans aucun doute les abus et la rétention d’informations et des risques auprès des patients. Il arrive fréquemment que les patients ne soient pas informés correctement sur les bénéfices et les dangers potentiels d’une pratique, ce qui les empêche de choisir en toute connaissance de cause et de donner leur consentement éclairé.   

  Pour autant, si elle était encadrée aussi strictement que la médecine conventionnelle, pourquoi n’aura-t-elle pas sa place dans le monde médical ?    

Pourquoi les médecines alternatives peuvent-elles se révéler intéressantes pour demain ?

  Les médecines alternatives font donc appel à des pratiques de santé plus naturelles, avec un impact écologique, économique et social sur lequel on peut s’interroger tout en laissant ouvertes les perspectives et les questionnements. Aujourd’hui, certaines petites et moyennes entreprises se créent autour de la production de plantes médicinales et aromatiques, permettant un ancrage local, mais aussi national qui incluent plusieurs centaines de travailleurs dans le secteur, comme c’est parfois le cas dans des régions peu attractives comme la Drôme (DUFFAUD-PREVOST, 2018), ce qui pourrait présenter un secteur intéressant de re-dynamisation de certains espaces français. Encore faut-il qu’elles puissent se perpétuer dans une démarche respectueuse de l’environnement en ayant les moyens par l’État de prolonger une agriculture biologique et durable.    

  Tout comme il revient à l’État de permettre ou non le remboursement de certains soins (ostéopathie, homéopathie etc.). Les organismes de santé ne veulent pas payer pour des soins qui n’auraient pas fait leurs preuves ou à effet placebo, ce qui semble logique d’un point de vue scientifique, mais ils laissent par ce biais-là un vide législatif et social quant à l’accès et l’information à ce type de pratiques et la possibilité pour chaque individu d’avoir un contrôle sur sa santé lui permettant de choisir en toute connaissance de cause. Peut-être justement qu’en légiférant de telles pratiques se posera moins la question des fraudes et des soins de médecines illégales qu’engendre le secteur (DELAHAYE, LAZARUS, 2007). 

  Quoi qu’il en soit, que les autorités françaises soient prêtes ou non à se pencher sur les questions des médecines alternatives, il ne fait aucun doute qu’elles ont de beaux jours devant elles (MOREL, 2020). Il serait peut-être intéressant, plutôt que d’opposer ces deux formes de médecine dans une sorte de compétition, d’en faire des complémentaires pour une meilleure santé et une industrie médicale plus respectueuse de la nature et du patient, puisque visiblement, les médecines alternatives paraissent s’ancrer de plus en plus dans les mœurs de vie occidentales. 

 

Références : 

– DELAHAYE, Gérard et LAZARUS, Antoine, « Médecines complémentaires et alternatives :  une concurrence à l’assaut de la médecine des preuves ? », Les Tribunes de la Santé, 15, n°2, 2007, p. 79-94. https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2007-2-page-79.htm  

 

– DUFFAUD-PREVOST, Marie-Laure, « Espace rural et mondialisation : entre ancrage et mobilité, le cas des entreprises de la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales dans la vallée de la Drôme », Géographie, économie, société, 20, n°4, 2018, p. 449-471. https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2018-4-page-449.htm  

 

– GAUDIAUT Tristant,  « Les médecines alternatives gagnent du terrain en France », Statista, 14 février 2024, https://fr.statista.com/infographie/31750/chiffres-cles-sur-les-medecines-alternatives-pratiques-soins-non-conventionnelles-en-france/ 

 

– HERNANDEZ Julien, « Enquêtes : médecines alternatives, que faut-il en penser ? (3/3) », Futura, 1 juillet 2020, https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-enquete-medecines-alternatives-faut-il-penser-3-3-81700/#pour-conclure 

 

– KOHN Sonya, « Le métier de Heilpratiker et le second marché de la médecine allemand », Allemagne d’aujourd’hui, vol 229, n°3, 2019, p. 91-104.  https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2019-3-page-91.htm  

– MOREL, Jean-Michel, « La phyto-aromathérapie », Presses universitaires de France, 2020, p. 124-125. https://www.cairn.info/la-phyto-aromatherapie–9782715400689-page-124.htm

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