Nos futurs

Et si la réelle raison de notre inaction face à la crise écologique, était notre incapacité à appréhender notre futur? C’est le pari que s’est lancé une équipe en regroupant science et fiction sous un même ouvrage.  

Le socle 

Nos futurs est une œuvre collaborative entre des scientifiques et des auteurs de fiction, née d’un désir d’expliquer et d’explorer les possibles du changement climatique. Elle concentre dix thèmes, tous votés auprès de futurs lecteurs et tous soulevés par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)  aussi connu sous le nom de IPCC en anglais.   

Cet organisme a pour fonction de synthétiser les connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques en lien avec la question du réchauffement climatique. Le GIEC fait ainsi régulièrement le point sur nos connaissances à ce sujet que ce soit les causes, les conséquences mais aussi des différentes solutions dont nous disposons. Des récits de futurs possibles ont déjà été intégrés dans leur rapport, servant à aider dans l’appréhension des diverses actions possibles. 

L’apport de la fiction pour faciliter la compréhension des enjeux et des effets du changement climatique est loin d’être insensé. En effet, avoir un support pour nos imaginaires scientifiques et ici futuristes me paraît être utile à l’heure où l’urgence climatique se fait pressante.

La structure

Chaque thème est associé à un groupe de deux personnes ou plus, regroupant au moins un expert “scientifique” de la question et un auteur de fiction.  Ainsi à chaque chapitre est associé une thématique qui contient une description des auteurs, un texte scientifique vulgarisé qui annonce les problématiques et les actions possibles et d’un texte de fiction sur le sujet, souvent inspiré du récit précédent. 

Chaque texte scientifique, bien que vulgarisé, reste sourcé et certains sont même agrémentés de graphiques, schémas ou cartes pour illustrer leurs propos. Ils expliquent les enjeux liés à leurs thèmes et exposent les limites ou les bienfaits des actions en train ou déjà menées. Bien entendu, toute la situation ne peut être résumée en  une vingtaine de pages et les experts font certains choix. Cela se ressent principalement quand ils arrivent au moment d’énoncer les solutions qui pourraient être apportées. Ils font le choix de présenter les alternatives qu’ils considèrent  les plus viables. 

Même s’ils ne présentent jamais le catalogue complet des actions qui pourraient être entreprises, ils choisissent néanmoins de montrer qu’il en existe des efficaces. Dans ce pessimisme scientifique  qui englobe les questions écologiques, il me paraît réconfortant, dans une certaine mesure, de lire ces lignes.

Les récits fictifs qui suivent ces textes se posent presque tous dans un monde dystopique plus ou moins chaotique. Les récits les plus optimistes proposent des solutions ou mettent en scène des protagonistes qui se battent pour leurs convictions écologiques. D’autres décrivent les restes d’une humanité anéantie par des extinctions de masse et toujours hantée par ses actions, ou plutôt les actions du passé. Mais malgré cela, ces récits montrent une humanité qui survit. Dans l’une d’entre elles, notre ère est appelée “Âge Sombre”, devenue légende, et ils le savent, avec un socle de vérité. L’humanité a perdu en termes de “connaissances” : savoir lire et écrire devient un mythe, l’espérance de vie baisse. Mais ils ont appris à vivre avec la Nature, peut-être plus humblement d’après l’auteur.

Même si les auteurs ont adopté des approches différentes, ils s’accordent tous pour critiquer le pouvoir politique, soit par son manque de réaction soit par ses décisions ou sa mauvaise gestion.     

Les thèmes abordés

Je ne ferai pas de vrai résumé, car cela reviendrait à présenter dix nouvelles. Mais il m’a semblé pertinent de s’attarder sur les thèmes qui ont été sélectionnés. Chaque chapitre est abordé par une sorte d’axe de recherche, qui est appelé “levier”. Ainsi des leviers reviennent plusieurs fois, comme c’est le cas avec  “forêts et océans”. Il n’était pas étonnant de voir que cet axe est associé aux thèmes “vie terrestre” ou “accès à l’eau salubre et à l’assainissement”, mais j’ai été surprise de voir qu’il avait aussi été relié au thème “égalité entre les sexes”. 

Ces thèmes sont tous assez originaux dans la manière dont ils sont abordés et illustrent le fait que crise sociale et crise écologique ne sont pas séparables. Les thèmes “réduction des inégalités” avec le levier “transport” ou encore “énergies fiables, durables et modernes, à un coût abordable” axé sur “énergie”, expriment dans leurs titres l’indivisibilité de ces enjeux, qui sont souvent traités différemment dans les médias. Cette prise de position revendiquée est encore plus signifiante, qu’elle est exprimée dans un livre à destination d’un large public. 

Conclusion

Cette œuvre qui allie science et fiction, réalité et imaginaire, permet à chacun de s’immerger et d’appréhender les effets du changement climatique. Le large panel de thèmes qui est balayé, montre une envie des lecteurs de s’impliquer ou du moins de s’informer sur ces questions.

Ici le lien tiré entre art et science , nous permet d’imaginer la construction d’un futur partagé et de questionner la place de la science et de la connaissance dans un contexte écologique.

Les écrits de fiction, quoi qu’un peu plus pessimistes que les textes de sciences, sont loin d’être défaitistes. Mais à l’image du sablier illustré sur la première de couverture, tous les récits de l’ouvrage nous rappellent que l’heure de l’humanité est comptée, mais qu’en aucun cas nos futurs signifie no future. 

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