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Les mèmes : théorie de l’évolution et culture liées ?

En quoi est-ce que la culture a à voir avec l’évolution ? Les mèmes d’internet font parti de la culture populaire et ont un mécanisme de propagation viral.  Serait-ce le fruit de gènes égoïstes ?

Résumé : La biologie évolutive possède un raisonnement explicatif qui peut être capable de mieux nous faire comprendre les mécanismes sous-jacents de la culture humaine et de sa propagation. C’est sans doute la chose qui rend l’humain si unique, d’après le biologiste Richard Dawkins, à l’origine de la théorie des « mèmes ». A travers ce concept, nous allons voir en quoi la culture a-t-elle à voir avec l’évolution et comment nous pouvons nous situer en tant qu’humain, entre véhicules à gènes et véhicule à mèmes.

1. Les mèmes d’aujourd’hui : une entreprise virale

Les « mèmes », appelés aussi « memes », sont très fréquents dans la culture populaire et particulièrement sur le web. Ils se caractérisent généralement par la réplication d’une image, ou d’une courte bande dessinée, suivi d’un texte qui correspond au thème abordé par les internautes. Seul le texte change selon le contexte, et cela permet un fort potentiel d’adaptabilité et de réutilisation. C’est sous la forme d’humour, de potache à corrosif, que l’on trouve le plus régulièrement les mèmes sur internet.

Si les mèmes d’internet sont la forme la plus répandue et connue du terme mème aujourd’hui. La définition communément admise du terme serait : un élément culturel de l’espèce humaine, transmis par répétition d’une personne à une autre. Cette notion n’est cependant pas apparue de nulle part, elle provient du biologiste Richard Dawkins, qui a essayé de créer un parallèle entre l’évolution du vivant, et l’évolution culturelle.

2. La genèse du mème : l’évolution

La première fois que le terme « mème » est apparu, c’est dans « Le gène égoïste » de Richard Dawkins en 1976 dans son chapitre Les « mèmes », nouveaux réplicateurs. Ce mot est inspiré du grec « mimème » qui veut dire imitation, à ne pas confondre avec le terme « même » en français, bien que le sens puisse être cohérent avec le concept. Richard Dawkins est un biologiste de l’évolution très reconnu pour la synthèse des travaux néodarwiniens et sa capacité à vulgariser la science. L’idée de Dawkins à travers ce concept, est d’expliquer l’unicité de l’espèce humaine, qui existe bel et bien selon lui. C’est bien de la culture, au sens civilisationnel et purement humain du terme, dont il s’agit. Pour mieux comprendre ce principe il faut se pencher un instant sur la théorie du gène égoïste. C’est une synthèse moderne de la théorie de l’évolution qui considère que le gène est l’unité de sélection, et non l’individu. Ce sont les gènes qui donnent un avantage reproducteur et de survie à l’individu porteur, qui seront sélectionnés et il transmettra ses gènes à la génération suivante, peu importe l’intérêt pour le groupe ou l’espèce. C’est pour ces raisons que l’on parle de gènes « égoïstes ».

De nombreux exemples dans la nature appuient cette vision avec l’évolution de l’altruisme chez les insectes sociaux par exemple. Ainsi, les mèmes peuvent être représentés comme des gènes, qui sont soumis directement à des pressions de sélection, ici culturelles.

 Pour Dawkins, la transmission de la culture est semblable à celle de la transmission génétique, puisqu’elle peut donner lieu à une évolution, et ce à partir d’un concept clef : la réplication. La notion de réplication fait directement appel aux gènes et à leur capacité auto-réplicatrice. A partir du moment où des « réplicateurs » existent, des copies d’eux-mêmes peuvent se créer. Certains mèmes vont être considérés comme plus pertinents que d’autres et rester dans le « pool »[1] mémique : c’est l’analogie de la sélection naturelle. Pour mieux comprendre, nous pouvons prendre un exemple tiré du livre : à l’instar de certains gènes, certains mèmes peuvent avoir une percée culturelle extrêmement rapide mais durer peu dans le temps, comme un air de chanson populaire. Le pool mémique pourra alors être estimé comme le nombre de gens ayant cet air en tête. Autre exemple, celui de la religion. La religion est un mème très puissant puisqu’il perdure depuis des siècles avec beaucoup de réplications mais très peu de changement. La foi est un même qui implique une absence de preuve pour croire. La croyance en Dieu est le mème de l’existence d’une divinité. La peur des feux de l’enfer est un autre même de la religion chrétienne, qui forme avec les deux autres un ensemble cohérent et indivisibles de mèmes qui donnent à la religion une puissance mémique très grande. Cet ensemble est très facilement perpétuable, de par son impact psychologique, et l’assimilation à la religion des parents aux enfants. C’est un complexe de mèmes coadaptés dans nos esprits, comme il existe des complexes de gènes coadaptés entre eux sur un même chromosome

3. Ce que l’on peut en tirer ?

Ce qui est intéressant à travers ce concept, c’est le rapport étroit entre les mécanismes biologiques et naturels de la sélection et de l’hérédité, avec la propagation culturelle chez l’humain. L’auteur nous invite à travers une vision évolutive à nous pencher sur le fruit de la civilisation humaine. Force est de constater que la culture peut être très facilement transmissible tel un virus, et subir une sélection et une évolution tel des gènes égoïstes. La barrière entre nature et culture se confond : la nature est là où se font les choses toutes seules, à l’inverse de la culture, qui est le produit de l’humain par essence. Pourtant, le mécanisme évolutif et propagationnel de la culture par le concept du mème parait hors du contrôle de l’humain et de son emprise directe. Si les individus sont les véhicules des gènes, alors le cerveau humain est le véhicule des mèmes. Ce concept de mème est bien sûr critiqué, notamment par son aspect pseudo-scientifique basé sur la simple ressemblance avec l’évolution des gènes.  Quelle est la valeur d’une théorie explicative qui sort de son champ initial (la biologie) pour venir expliquer des phénomènes sociaux ? Cependant, qui à ce jour, a pu réellement réfuter le mécanisme proposé par la mémétique, lorsque l’on regarde la « viralité » de la circulation des informations sur internet par exemple ?

Le concept qu’il utilise pour parler de la culture ici est le prolongement d’une vision néodarwinienne du vivant. Cependant, l’auteur estime que l’humain est bien plus que le résultats de gènes et de mèmes. Tous deux égoïstes puisque formatés, de manière non consciente, à se propager dans le temps et à travers les individus de la manière la plus fidèle possible. Si l’égoïsme triomphe bel et bien dans la nature, Dawkins a l’espoir que l’humain, par sa conscience, puisse outrepasser ses déterminismes biologiques pour aller vers une société où l’humain pensera d’abord à l’intérêt collectif et le long terme plutôt que l’intérêt égoïste court-termiste.

Référence :

Dawkins, Richard. « Le Gène égoïste », trad. de l’anglais par L. Ovion, Paris, O. Jacob (2003).


[1]  A l’instar du pool génique, le pool mémique est l’ensemble des mèmes d’une population soumis à la sélection.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sébastien Chiasson (14 juillet 2022). Les mèmes : théorie de l’évolution et culture liées ? Contrepoints. Consulté le 7 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/raet


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