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La bande dessinée, un outil de médiation scientifique ?

Vous connaissez tous les bandes dessinées, mais connaissez-vous les bandes dessinées scientifiques ? A travers les années, la BD a évolué et rempli différentes fonctions. Il serait intéressant de l’utiliser comme outil de médiation scientifique, mais où en est-on aujourd’hui ?

Je me suis renseignée sur la bande dessinée scientifique puisque c’est mon sujet de mémoire de M2. Mon master s’intéresse aux Science and Technology Studies (STS). Ce domaine de recherche interdisciplinaire questionne les relations entre sciences et société du point de vue des sciences humaines et sociales. Lors du premier semestre du Master Épistémologie, histoire des sciences et techniques, j’ai également pu découvrir un domaine complémentaire aux STS : les Sciences de l’Information et de la Communication (SIC). J’ai commencé à m’intéresser de plus près à la médiation scientifique, et notamment à la bande dessinée. Je me suis demandée si la bande dessinée scientifique pouvait servir comme moyen de communication scientifique. Pour ce faire, j’ai cherché sur différentes bases en ligne des articles qui étudiaient la bande dessinée scientifique. Les résultats ont été concluants et m’ont permis de lister différentes approches et fonctions que peut avoir la bande dessinée scientifique.

En m’appuyant sur un corpus d’études, je propose de faire une synthèse des articles publiés par les chercheurs en lien avec la bande dessinée scientifique. Elle occupe jusqu’à maintenant trois fonctions principales, et par conséquent, je trouve qu’il serait pertinent de l’utiliser comme outil de médiation et de communication scientifique.

Approche méthodologique et théorique

Tout d’abord, certains articles proposent des méthodes concrètes pour construire sa propre bande dessinée à partir de publications scientifiques. Le but est de proposer un modèle aux chercheurs pour qu’ils puissent ensuite s’en servir et l’ajuster en fonction de ce qu’ils souhaitent présenter. La bande dessinée scientifique leur permet ainsi de présenter leurs travaux de recherche de manière simple et claire, et d’être plus facilement accessibles à tout type de public.

Si vous voulez vous y essayer, voici une première méthode proposée par Friesen et al en quatre étapes, expliquant pas à pas la création d’une bande dessinée scientifique. J’ai trouvé un autre article intéressant de Tribull, qui aborde les aspects pratiques tel que le financement ou les subventions.

Bien que ces méthodes s’appuient sur des exemples particuliers, je les trouve tout de même utiles puisqu’elles posent des bases qui servent à guider les chercheurs. Ainsi, vous pouvez présenter vos résultats de recherche de manière plus attirante et créative que dans une publication scientifique classique. Mais la bande dessinée scientifique est encore mal reçue par les revues car elle ne se plie pas aux codes et conventions académiques…

Représentation de la science et du savant

D’autres articles étudient les représentations que la bande dessinée scientifique transmet. La combinaison du texte et de l’image permet au lecteur d’avoir une idée rapide et concrète du sujet qui lui est présenté. Les concepts scientifiques sont la plupart du temps anthropomorphisés et représentés sous forme de dessins ou de personnages pour être plus facilement compréhensibles (Bordenave, 2016). Par exemple, dans un album de Tu mourras moins bête consacré à l’immunologie, les différentes cellules immunitaires sont figurées sous forme de petits personnages. Ceci permet de comprendre le déroulement de la réponse immunitaire de manière simplifiée.

J’ai également trouvé deux autres articles qui s’accordent sur le fait que les bandes dessinées scientifiques représentent les sciences et les savants de manière très stéréotypée. Ainsi, la plupart du temps le scientifique est un homme blanc, en blouse blanche, réalisant des expériences loufoques dans un laboratoire (Lamminpää et al., 2020). Il est dévoué, prêt à tout même à sacrifier sa propre vie dans le seul but d’acquérir de nouveaux savoirs et la reconnaissance des pairs (Triquet et al., 2016).

Le fait que ce soient majoritairement des clichés qui sont transmis dans les bandes dessinées scientifiques confirme ce que j’ai pu apprendre en cours : aucun savoir n’est neutre. Les auteurs de bande dessinée scientifique retranscrivent à travers leurs dessins leur propre vision de la science. Or, cette vision est stéréotypée. Cela veut peut-être dire que nous nous trouvons dans un cercle vicieux où nous ne pouvons pas sortir des représentations habituelles des sciences et des savants, puisque celles et ceux qui produisent les bandes dessinées ont été éduqués avec ces représentations stéréotypées.

Transmission d’informations scientifiques

Enfin, très peu d’études se sont attardées sur l’utilité et l’efficacité de la bande dessinée scientifique quant à la transmission d’informations. Mais celles qui existent montrent que les bandes dessinées scientifiques augmentent tout autant les connaissances que les livres ou manuels classiques. Cependant, les livres ont tendance à diminuer l’intérêt des lecteurs pour poursuivre leurs recherches de leur côté, contrairement à la bande dessinée scientifique qui l’augmente (Lin et al., 2015). Si je m’arrêtais là, on pourrait considérer que la bande dessinée scientifique est un bon outil pour transmettre des concepts scientifiques avec le défaut de transmettre aussi tous les stéréotypes qui y sont présents. Or, j’ai pu trouver un autre article qui montre que certaines bandes dessinées scientifiques permettent justement de contrer cela en montrant les limites des sciences. Elles peuvent réussir à déconstruire les préjugés que d’autres bandes dessinées scientifiques continuent à transmettre (Girault, 1990). Mais nous pouvons nous demander si les bandes dessinées scientifiques qui déconstruisent les stéréotypes sont en plus grand nombre, et si elles sont autant lues que les autres.

Conclusion

Les études menées jusqu’à aujourd’hui sur la bande dessinée scientifique ont montré qu’elle peut être utilisée comme outil méthodologique et théorique, comme outil didactique, pédagogique, et parfois même comme outil de déconstruction des sciences.

Il n’y a pas encore d’études consacrées à la bande dessinée scientifique en tant qu’outil de médiation et de communication scientifique. Mais compte tenu des études présentées ici, il me semble qu’il serrait intéressant de l’utiliser comme tel. En effet, je trouve que la bande dessinée scientifique remplit de nombreuses fonctions, qui pourraient être réutilisées et bénéfiques à la communication scientifique. En étant utilisée dans ce domaine, elle pourrait transmettre des informations complexes à un public élargi, tout en le divertissant. Cependant, il reste encore à étendre son utilisation, puisqu’elle encore très peu utilisée en sciences.

Références bibliographiques

Bordenave L., 2016, « Les arcanes du récit de science en bande dessinée », Telling Science, Drawing Science, Angoulême, France

Friesen J., Van Stan J. T., Elleuche S., 2018, « Communicating Science through Comics: A Method », Publications, vol 6, no 3, 38-48

Girault Y., 1990, « Science, imaginaire et bande dessinée », Sciences, techniques et imaginaire, Actes des XIIes Journées internationales sur la communication, l’éducation et la culture scientifiques et industrielles, Paris, France

Lamminpää J., Vesterinen V.-M., Puutio K., 2020, « Draw-A-Science-Comic : exploring children’s conceptions by drawing a comic about science », Research in Science & Technological Education

Lin S.-F., Lin H.-S., Lee L., Yore L. D., 2015, « Are Science Comics a Good Medium for Communication ? The Case for Public Learning of Nanotechnology », International Journal of Science Education, part B, vol 5, n°3, 276-294

Tribull C. M., 2017, « Sequential Science : A Guide to Communication Through Comics », Annals of the Entomological Society of America, vol 10, n°5, 457-466

Triquet E., Bruguière C., Jassaud P., 2016, « L’album ‘Les derniers géants’ : une fiction autobiographique d’un voyageur naturaliste ; statut de l’image et place du récit », Telling Science, Drawing Science, Angoulême, France

Illustration

Science eyes par Tom Woodward (CC BY-NC)


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Victoria Rodriguez (30 juin 2022). La bande dessinée, un outil de médiation scientifique ? Contrepoints. Consulté le 4 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/raep


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