Vers une future colonisation planétaire ?

Pourquoi l’humanité s’entête-t-elle à se demander si elle est seule dans ce vaste univers ? Curieux, nous poussons toujours plus loin la conquête spatiale à la recherche d’un nouveau chez-nous moins abîmé par nos actions. Mais si ce futur “chez-nous” est déjà “chez l’autre”, l’espèce humaine devra choisir entre pérennité et protection planétaire. 

Toutes ces questions soulèvent des enjeux encore plus grands que la science elle-même. Les aspects psychologiques et sociaux de l’espèce humaine sont au cœur de ce débat. Le grand champ de possibilités qu’offre le progrès de l’exploration spatiale croise inévitablement la notion de conservation planétaire. C’est ce qui a été discuté par Jacques Arnould, le 26 janvier dernier, lors du webinaire « Qui va là ? L’humanité face à l’extraterrestre » organisé par la Société Française d’Exobiologie (SFE). Sa présentation est basée sur le livre qu’il a publié en septembre 2022.

Notre existence dans l’univers est étonnamment banale

« L’être humain est un être social, il n’est pas fait pour être seul » affirme l’expert en éthique. La solitude est perçue comme une menace, voire un danger, et interroge l’humanité depuis l’Antiquité. Dans les Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle, grâce aux observations de son époque, rendait compte de la déconstruction de l’idée selon laquelle nous étions seuls dans l’univers. En a découlé le principe de médiocrité, de banalité de notre système. En fait, bien que notre existence soit un miracle né de multiples combinaisons très rares, l’univers est si grand que nous ne serions pas les seuls miracles en son sein. Mais quelle relation notre espèce entretiendrait-elle avec un autre qu’on ne reconnaitrait pas biologiquement-parlant ?

L’autre qui fait peur, l’autre salvateur… Comment nous abordons la différence

En tant qu’êtres humains, nous possédons une capacité d’imagination qui entraine, au-delà de la curiosité, certaines émotions comme l’inquiétude, l’espoir… Ces sentiments sont directement liés à une question bataillée par scientifiques et philosophes : qu’est-ce que la vie ? Je pense que nous concevons la vie à partir de nos lois, de nos recherches, et nous craignons qu’elle n’ait pas la même forme ailleurs. Nous sommes tiraillés entre le désir de savoir et l’appréhension. Définir la vie n’est pas chose aisée. Les biologistes l’étudient au niveau de ses mécanismes, avec des codes et des fonctions cellulaires. C’est ce que montre le résultat de l’immense travail de François Jacob, dans La logique du vivant. La notion de vie laisse toujours apparaitre cette ligne fine entre sciences et métaphysique, mais d’après l’ingénieur agronome, les deux approches doivent s’enrichir l’une l’autre.

La vie extraterrestre, une fascination intéressée ?

Un jour, l’exploration spatiale pourrait nous offrir la possibilité de découvrir une autre vie que la nôtre, peut-être sur une exoplanète semblable à la Terre. Elle pourrait nous donner les moyens techniques de nous y rendre en tant qu’espèce. Je me questionne alors : imaginons que l’on y trouve des microorganismes, nous pourrions être tentés de nous dire qu’il serait légitime de nous y installer et de cohabiter avec eux. Imaginons aussi qu’il s’agisse d’une forme plus évoluée, que ferions-nous ? Naissent alors des questions de protection planétaire et de colonisation. Et nous savons déjà que l’humain, exposé à une nouvelle terre, a déjà fait le choix de l’appropriation. Considérant ces interrogations, je me dis qu’une grande considération écologique est d’abord essentielle pour retarder au maximum la finalité de l’hypothèse Médée, très bien expliquée par le magazine Epsiloon. Médée, la femme qui a tué ses enfants, est l’analogie du risque que chaque forme de vie soit condamnée à s’autodétruire. Au cours d’un autre webinaire organisé par la SFE, Thérèse Encrenaz, directrice de recherche au CNRS et spécialisée dans les atmosphères planétaires, évoquait une « coopération internationale concentrée sur la préservation de l’environnement, nécessaire pour que nous puissions vivre sur notre planète natale le plus longtemps possible. »

Bibliographie   

Arnould J., 2022, Qui va là ? L’humanité face à l’extraterrestre, Belgique, Academie Royale Sciences Lettres.

de Fontenelle B., 1686/2017, Entretiens sur la pluralité des mondes, Paris, Jacques Prévot.

Fontenez M., 2023, « L’hypothèse Médée, comment la vie peut s’autodétruire », Epsiloon, 19, 40-53.

Jacob F., 1970, La logique du vivant, Paris, Gallimard.

Laplace M., 2022, « En quête de la vie dans le système solaire, espérances et déceptions », Société Française d’Exobiologie. https://www.exobiologie.fr/blog/2022/06/22/en-quete-de-la-vie-dans-le-systeme-solaire-esperances-et-deceptions/

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