L’éco-anxiété : une lecture écopsychologique

L’éco-anxiété, phénomène de plus en plus présent chez les moins de 30 ans, s’est accentuée pendant la période de la Covid-19. Souvent perçue comme un mal par les plus vieilles générations, elle peut pourtant selon l’écopsychologie être un levier motivationnel dans l’engagement environnemental. 

L’anxiété ou angoisse est un sentiment d’appréhension provoqué par l’anticipation d’un danger, qu’il soit réel ou imaginé. Tout le monde peut donc être assujetti à l’anxiété. Mais une présence excessive de ce sentiment est pathologique : les professionnels de santé parlent alors de trouble anxieux généralisé. L’anxiété existe donc chez tout le monde, et devient pathologique lorsqu’elle est excessive (Olivier Bonnot, Ali Amad et al. 2021). Dans ce cas l’angoisse est persistante (depuis au moins 6 mois) et peut être génératrice d’altération du fonctionnement social ou professionnel par exemple (dicosemiopsy).

Les premières utilisation du terme éco-anxiété remontent aux années 1990. Ce néologisme décrit un phénomène générateur d’angoisses, touchant particulièrement les moins de 30 ans. Le thème de ces angoisses concerne la représentation du futur, créateur d’un sentiment d’insécurité réactionnelle à la détérioration du monde environnant.

L’éco-anxiété, une peur générationnelle de l’effondrement

L’éco-anxiété constitue, pour certains, un frein, empiétant alors sur les activités de la vie quotidienne. Il est donc important d’agir avant qu’elle n’ait de conséquences potentiellement graves. Pouvant se greffer à de nombreux troubles psychiatriques, l’éco-anxiété constitue donc un enjeu de santé publique. Pour aider l’éco-anxieux, il est nécessaire de dresser un bilan ; dégager les thèmes principaux des angoisses, comprendre leurs mécanismes et étudier la manière dont elles impactent le quotidien.

Néanmoins l’éco-anxiété n’est pas une pathologie en soi. Rappelons que l’anxiété est une réaction normale d’appréhension, mais, elle peut se greffer à des pathologies psychiatriques. Par exemple, il est possible qu’une éco-anxiété se développe chez un individu touché par un trouble de stress post-traumatique à la suite d’une catastrophe climatique. Il est également possible que l’éco-anxiété se greffe à un état de stress pré-traumatique. L’idée d’imaginer le futur à l’aulne du changement climatique avec son lot de sécheresses, famines et pandémies (à l’image de la COVID-19 qui peut devenir un outil de projection plus concret à l’image de ce futur instable) est la source d’angoisse d’un grand nombre d’éco-anxieux et influence également leurs choix futurs. Certains font le choix de ne pas avoir d’enfant dans le but réduire leur impact environnemental. 

L’éco-anxiété n’étant pas une maladie, il est intéressant de l’aborder sous un angle différent, ne se limitant pas à une volonté de « traiter » les conséquences de cette angoisse. L’écopsychologie, mouvement né aux États-Unis dans la seconde moitié du XXème siècle, cherche à renforcer le dialogue entre l’écologie et la psychologie, et ouvre de nouvelles voies de perception.

L’écopsychologie : un moyen de repenser l’appartenance humaine à la nature

L’écopsychologie, mouvement à part entière issu autant de la biologie, la psychologie ou encore de la philosophie cherche à combler les lacunes de chacune de ces disciplines quant à la perception qu’elles renvoient des liens entre nature et humanité. Le point saillant de ce mouvement est d’inviter l’individu à reconsidérer son interdépendance avec la nature, à repenser les liens existants entre son monde intérieur, ou psychisme, et le monde extérieur. 

L’humain a tendance à percevoir le monde de manière anthropocentrée, créant ainsi une distanciation avec la nature. Cette scission s’illustre parfaitement par le mode de vie urbain limitant le contact avec la nature ce qui crée alors une distance tant sensorielle qu’émotionnelle avec les autres êtres vivants. L’accentuation de cet éloignement se traduit par un déni de l’impact environnemental, tant individuel que collectif. 

L’éco-anxieux est bien évidemment soucieux de son environnement, ce qui témoigne de la reconstruction du lien avec la nature chez les jeunes générations, sensibilisées dès le plus jeune âge. Ce renouement avec la nature permet, selon l’écopsychologie, une prise de position avec mise en acte d’actions pour l’environnement. 

Ainsi, l’éco-anxiété, malgré les difficultés qu’elle peut entrainer, constitue un levier motivationnel, par le biais d’un engagement associatif par exemple. Elle est également témoin d’une certaine lucidité face à la situation climatique, encourageant donc la personne qui l’expérimente à effectuer une transition vers un mode de vie davantage en adéquation avec le monde qui l’entoure. Une lecture écopsychologique permet de comprendre que les émotions éprouvées par le sujet ne sont plus subies et perçues comme un frein, mais constituent un moteur pour la prise d’initiative. 

L’objectif final de l’écopsychologie et de montrer à tout un chacun, et d’autant plus à l’éco-anxieux, qu’il existe de multiples chemins vers une transition écologique adaptable en fonction des devenirs possibles, permettant alors de rendre l’avenir acceptable pour l’éco-anxieux. 

Mais il faut garder à l’esprit les dynamiques socio-politico-économiques de notre monde actuel : elles nécessitent un engagement collectif au sens politique. Le renforcement de cet engagement pourrait accentuer la confiance des citoyens envers le gouvernement, permettant ainsi de soulager le vécu anxiogène de l’éco-anxieux.

Bibliographie 

Sarah Koller, 2022, « Éco-anxiété et société », Santé et environnement, vers une nouvelle approche globale, Nicolas Senn et al. (dirs), RMS éditions, 170-174, https://www.revmed.ch/content/download/868017/6912948/1?fileName=Sante%20et%20environnement_RMSeditions-9782880495022.pdf (consulté le 17/02/2023). 

Olivier Bonnot, Ali Amad et al. (dirs), 2021, « Trouble anxieux généralisé », référentiel de psychiatrie et d’addictologie, PUFR éditions, 189-195. 

Corpus 

Ali Amad (2017), Dicosemiopsy (version 1.0.2), logiciel d’application mobile, App Store, https://apps.apple.com/fr/app/dicosemiopsy/id1320817121?l=en. 

Crédit photographique

Vecteur gratuit de minuscules personnes avec une planète en fusion par pch.vector, licence (CC BY 4.0)

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