Fullmetal Alchemist, un portail vers la culture scientifique

“Le cycle de ce monde est régi par des règles qui nous dépassent. Comprendre ce flux, la décomposition et la création, c’est ça l’alchimie”. Le postulat au fondement de Fullmetal Alchemist s’ancre étonnement dans une réalité scientifique

Après avoir tenté, en vain, de ramener leur mère à la vie grâce à l’alchimie, les deux frères Edward et Alphonse Elric se mettent en quête de la pierre philosophale, objet légendaire qui leur permettrait de restaurer leur corps. Voilà les prémisses de Fullmetal Alchemist, manga de Hiromu Arakawa publié entre 2005 et 2011 en France. Ce manga (dont l’adaptation animée figure parmi les plus appréciées) se réapproprie ainsi les concepts d’alchimie et de pierre philosophale dans une histoire dont les thèmes principaux sont la vengeance et le pardon, la guerre et la fraternité.  

L’alchimie et la pierre philosophale

Dans l’univers de Fullmetal Alchemist (abrégé FMA), l’alchimie est une science (et non de la magie, Edward insiste sur ce point tout au long de l’histoire) qui repose sur le principe de l’échange équivalent. “Un est tout, tout est un”, pour créer quelque chose, il faut abandonner quelque chose de même valeur. Cette alchimie se réalise à l’aide de cercles de transmutations sans lesquels, en théorie, il est impossible de transmuter (créer) quelque chose. Trois processus permettent cette transmutation : la compréhension, la déconstruction et la reconstruction. Comme dit plus haut, l’objectif principal des deux personnages est de retrouver leurs corps d’origine (corps qui ont été lourdement endommagés lors de la tentative de résurrection de leur mère). La pierre philosophale leur semble être le seul moyen de les retrouver, car elle permettrait de réaliser des miracles en passant outre la notion d’échange équivalent, c’est-à-dire de créer à partir de rien.

La pierre philosophale a bien été la quête des alchimistes, et conférerait de nombreux pouvoirs à qui la posséderait. Elle permettrait notamment de changer les métaux en or (l’or étant considéré comme le métal parfait), et d’obtenir la médecine universelle qui guérirait de tous les maux, allant même jusqu’à prolonger la vie. 

Les alchimistes du Moyen Âge basent leurs recherches sur des principes et théories dont l’une fait écho aux croyances dans FMA : l’unité de matière. La matière change, évolue, mais ne disparaît pas complètement. C’est ainsi que l’un des symboles de l’alchimie est l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue, faisant référence à la notion de cycle et de renaissance. Ce symbole est d’ailleurs retrouvé dans FMA et est porté par des créatures appelés Homonculus. 

L’homonculus, le “petit homme”

L’homonculus est une sorte de petit être créé de toute pièce par l’alchimie. On retrouve plusieurs récits expliquant les tentatives de créations, voire les réussites des alchimistes. Paracelse propose une recette de fabrication utilisant entre autres du sperme et du sang humain.

Cet être artificiel se retrouve également dans le récit de Hiromu Arakawa. Attention spoilers ! Le personnage de Père, aussi appelé “le petit être dans la fiole” est un être créé artificiellement à partir de sang humain qui, avant de prendre une forme plus humaine, est à l’origine une sorte d’ombre enfermé dans une fiole. Père n’est pas le seul Homonculus puisqu’il créé lui-même sept autres homonculus (chacun représentant les sept péchés capitaux) dans l’espoir d’atteindre la perfection.

Aujourd’hui la figure de l’Homonculus la plus connue (et qui vous est peut-être venue en tête en lisant ce terme) est probablement celle de l’Homonculus de Penfield, qui porte ce nom en référence à son apparence de “petit homme”.

Se réapproprier une figure historique : Van Hohenheim

En plus de s’inspirer des concepts et des figures de l’alchimie, FMA reprend également un personnage historique emblématique de l’alchimie: Paracelse. 

Théophraste Bombastus von Hohenheim, dit Paracelse (1493-1541), est un médecin et alchimiste suisse. Ses écrits apportent beaucoup à la médecine puisqu’il y introduit la chimie et l’idée que l’alchimie et les métaux peuvent être utile dans le champ médical. Il remet ainsi en cause les croyances des Anciens, notamment sur la théorie des humeurs, largement dominante à l’époque. 

Dans notre histoire, Van Hohenheim est (évidemment) un alchimiste, ainsi que le père d’ Edward et Alphonse. Il s’agit d’un personnage entouré de mystère, qui quitte le domicile familial avant le début de l’histoire. Attention spoilers ! Son sang donne naissance au premier homonculus (“le petit être dans la fiole”, Père), et il voyage dans le pays de Xing où il apprend aux habitants l’elixirologie, une autre version de l’alchimie centrée sur la médecine et l’énergie de la Terre.

La culture par le manga

Le manga prend des libertés quant à certains concepts (dans la nature de la pierre philosophale par exemple). FMA n’est d’ailleurs pas la seule œuvre de fiction reprenant le personnage de Paracelse et la pierre philosophale (Harry Potter) ou l’idée de l’homonculus (Faust de Goethe). Il est néanmoins intéressant de voir à quel point l’histoire des sciences, de la médecine et l’alchimie ont pu inspirer des récits tels que Fullmetal Alchemist.

Ce genre d’œuvre peut être une porte d’entrée, une façon d’en apprendre plus sur la science et son histoire. Ayant connu la série assez jeune, je n’étais pas familière avec la personne de Paracelse. C’est en cherchant à en savoir plus sur le personnage que j’ai pu découvrir que le personnage était inspiré de quelqu’un de réel, et que de fil en aiguille j’en ai appris plus sur l’alchimie.

Le manga est un type d’ouvrage de plus en plus populaire en France, notamment auprès des jeunes (la France étant en effet le deuxième consommateur de manga au monde) : 1 livre acheté sur 4 en 2022 est de la BD-Manga. Il peut s’agir d’un moyen d’en apprendre plus sur la science et son histoire tout en se divertissant et sans la charge mentale associée à la lecture d’œuvre ou publications plus complexes. 

Certains classiques de la littérature sont d’ailleurs disponibles au format manga (Hamlet, Le comte de Monte-Cristo), rendant accessibles des œuvres parfois compliquées ou en permettant à un public qui n’aurait peut-être pas acheté le roman de s’y intéresser. 

Si d’autres mangas ayant au centre de leur histoire la science vous intéressent, n’hésitez pas à aller voir les billets sur Dr. Stone ou Banana Fish !

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Bibliographie

AMARTIN-SERIN Annie, « Homonculus, Mandragore et Golem », dans : , La Création défiée. L’homme fabriqué dans la littérature, sous la direction de AMARTIN-SERIN Annie. Presses Universitaires de France, « Littératures européennes », 1996, p. 31-56. URL : https://www.cairn.info/la-creation-defiee–9782130479505-page-31.htm

ARAKAWA Hiromu, Fullmetal Alchemist. Kurokawa, 2005-2011, vol.1-27. 

GfK, « 85 millions de BD & Mangas vendus en 2022 », Growth from Knowledge, 2023, consulté le 31 mai 2023. URL : https://www.gfk.com/fr/press/85-millions-bd-manga-vendus-en-france-2022

HUTIN Serge, L’alchimie. Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2018. URL : https://www-cairn-info.scd-rproxy.u-strasbg.fr/l-alchimie–9782130813590.htm

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SANCHEZ CUEVAS Gema, « Homonculus de Penfield : caractéristiques et fonctions », NosPensées, 2018, consulté le 31 mai 2023. URL : https://nospensees.fr/homonculus-de-penfield-caracteristiques-et-fonctions/

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