Le botox, un potentiel traitement de la dépression ?

La médecine esthétique est en plein essor : omniprésente sur les réseaux sociaux, chez les célébrités, à la télévision… En témoigne un communiqué de presse publié par l’ordre des médecins le 5 mai 2023. Malgré les nombreuses dérives de la médecine esthétique, est-il possible que les produits et techniques utilisés puissent résoudre des problématiques en dehors du spectre de l’esthétisme ? 

La toxine botulique, couramment appelée botox, est utilisée en médecine esthétique afin de réduire les stigmates essaimés par le vieillissement. Son action se situe au niveau de la jonction neuro-musculaire, où elle bloque l’action de l’acétylcholine. Cela empêche donc le muscle de se contracter, provoquant une paralysie transitoire, le temps que les stocks d’acétylcholine se reconstituent.

Cette paralysie bloque ainsi les muscles du visage, réduisant rides et ridules, mais surtout, elle limite l’expression des émotions faciales.

Mais outre un changement esthétique, est-il possible que cette inhibition des émotions retranscrites sur le visage ait un effet thérapeutique ?

La théorie du facial feedback effect

Les expressions faciales sont une transcription des émotions ressenties par le sujet qui les expérimentent. Le concept de facial feedback effect, aussi appelé proprioception émotionnelle, montre que les expressions faciales influencent les émotions ressenties. Ceci explique peut-être pourquoi empiriquement, on conseille de sourire quand quelqu’un ne va pas bien.

L’effet de la contraction des muscles du visage a été analysé dans plusieurs études. Il en ressort que la contraction de différents groupes musculaires agit directement sur l’humeur. En effet, l’activité des muscles zygomatiques, impliqués dans le sourire, permet de promouvoir les émotions positives. Alors que l’activité du corrugateur, muscle permettant de froncer les sourcils, est associée à une humeur maussade.

L’analyse concomitante de données IRM permet d’identifier une corrélation entre l’utilisation du corrugateur et l’hyperactivité de l’amygdale. L’amygdale peut être appréhendée comme le centre de la peur et des angoisses. Une hyperactivité de cette région est identifiée dans les troubles dépressifs. On peut donc en déduire que diminuer l’hyperactivité amygdalienne permet de diminuer, voire d’amender, les symptômes associés à l’état dépressif. C’est d’ailleurs de cette façon que les médicaments antidépresseurs agissent : ils ont pour objectif de diminuer l’hyperactivité de l’amygdale.

Applications de la proprioception émotionnelle

En utilisant la théorie du facial feedback effect, il est possible d’utiliser les propriétés paralytiques de la toxine botulique sur le muscle corrugateur du sourcil, afin de diminuer l’hyperactivité amygdalienne et les symptômes dépressifs associés. Des études randomisées en double aveugle ont mis cette hypothèse à l’épreuve et ont montré un taux de réponse de 50% à 60% dans les cas de dépression majeures avec 1/3 des patients qui sont en rémission. 

Le botox aurait donc des propriétés antidépressives, qu’il soit utilisé seul, ou en association avec des antidépresseurs.

Le botox aurait donc des propriétés antidépressives, qu’il soit utilisé seul, ou en association avec des antidépresseurs.Ce type de traitement montre une piste prometteuse. Le botox reste un médicament, il est de ce fait doté d’effets indésirables. Mais comparativement à ceux des antidépresseurs, ces effets sont moindres et responsables de moins d’interactions médicamenteuses permettant d’augmenter le rapport bénéfice/risque. Les effets secondaires des antidépresseurs constituent une des principales causes d’échec thérapeutique. De plus, l’action du botox n’est que temporaire, le temps que les stocks d’acétylcholine se reconstituent.Le botox aurait donc des propriétés antidépressives, qu’il soit utilisé seul, ou en association avec des antidépresseurs.

Le botox, nouvel antidépresseur ?

Le botox apparaît donc comme une nouvelle option dans l’arsenal thérapeutique de la dépression et pourrait avoir diverses implications dans d’autres pathologies touchant la région amygdalienne, comme les syndromes de stress post-traumatiques.

De plus, il est possible d’utiliser les propriétés de la proprioception émotionnelle en la conjuguant à des moyens non pharmacologiques. Prenons l’exemple du yoga du rire, qui prend tout son sens en utilisant cette théorie. En effet, comme vu précédemment, la stimulation des zygomatiques (qui peut se faire par le rire) permet de promouvoir les émotions positives et semble de ce fait être une manière accessible de mettre un peu plus de lumière dans son quotidien.   

Bibliographie

Bulnes L.C. et al. 2019, “The effects of Botulinum toxin on the detection of gradual changes in facial emotion”, Scientific Reports, 9, 11734. https://doi.org/10.1038/s41598-019-48275-1 

Finzi E., Rosenthal N.E., 2016, “Emotional proprioception: Treatment of depression with afferent facial feedback”, Journal of Psychiatric Research, 80, 93-96. https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0022395616301169 

Lotstra F., 2002, “Le cerveau émotionnel ou la neuroanatomie des émotions”, Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 29, 2, 73-96. https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2002-2-page-73.htm 

Crédit photographique

Le visage d’un homme séduisant se dissolvant dans des lignes de stylo illustration de croquis par Rochak Shukla, licence (CC BY 4.0)

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