Discussion autour de la transition écologique du 7ème art

Le cinéma permet de réunir, faire rêver, de s’évader, de pleurer… les films façonnent nos imaginaires et peuvent être de précieux alliés dans la lutte pour la transition écologique.  Pourtant le cinéma c’est aussi une machine à rêves qui a une empreinte carbone de plusieurs millions de tonnes. Mais alors, comment raconter le monde quand celui-ci s’effrite ?

Ma dissonance cognitive au cinéma

J’adore aller au cinéma, quand mes rires ou mes larmes entrent en résonnances avec ceux de personnes que je ne connais pas, c’est une sensation délicieuse. Récemment, je me suis retrouvée au milieu d’une de ces gigantesques salles de ciné, le film projeté c’était Avatar la voie de l’eau. Les images étaient somptueuses et le message clair : montrer les conséquences dramatiques des chasses maritimes, de l’utilisation de l’hyper-technologie à des fins militaires détruisant les écosystèmes, bref de traiter de diverses problématiques environnementales. Après coup, je me suis beaucoup questionnée sur la cohérence de tels propos pour un réalisateur, James Cameron, qui est un véritable « innovateur » dans le sens où c’est seulement grâce à des technologies avancées et des innovations qu’il a lui-même créées qu’il a pu réaliser ce film. En fait je ne pouvais pas m’empêcher de me dire, mais pourquoi faire un blockbuster pour un film écolo ? Bon, vous me direz, c’est un gouffre sans fin ces questions, mais j’ai quand même voulu creuser un peu parce que si le cinéma peut façonner nos imaginaires il a également un impact certain sur l’environnement. Difficile donc de lutter contre cette dissonance cognitive quand je m’assois dans les fauteuils rouges d’une salle de cinéma, popcorn à la main, ou lorsque j’entend Leonardo DiCaprio parler environnement, ou encore quand le festival de Cannes ne cesse de mettre en avant leur gestes pour l’environnement.

En quelques chiffres selon le rapport Décarbonons la culture porté par The shift project, le cinéma en France c’est :

• Près d’1/3 des données qu’on consomme sur internet
• Environ 750 tonnes de CO2 pour un tournage moyen de long métrage
• Beaucoup de matières utilisées (impossible de ne pas penser à des films comme Fast and Furious qui ont vu détruire des dizaines de voitures)
• Environ 1 million de tonnes éq. CO2 pour les salles de cinéma, 88% liées aux déplacements des spectateurs en voiture

Ces chiffres sont assez équivoques. En ce qui concerne les salles c’est donc le déplacement des spectateur·ices qui explose le compteur, ce n’est pas nouveau : il faut revoir nos modes de déplacement. Cependant, la production des films a aussi un gros impact environnemental. En somme, l’avenir du cinéma est incertain dans un monde qui s’effrite. On l’a vu pendant la crise sanitaire liée au COVID, les salles de cinéma et de spectacles ont été de ces choses jugées « non essentielles » qui ont rapidement fermé. On peut donc facilement imaginer que si le cinéma veut conserver sa faculté à réunir et faire rêver, divertir et faire réfléchir, il est nécessaire qu’il engage une mutation profonde, sans quoi il fera partie des premiers sacrifiés.

Et si on décarbonais le cinéma ?

Les conséquences de ces réflexions semblent donc évidentes : si on veut toujours du cinéma demain, il faut que le secteur fasse sa transition…ou il la subira. Beaucoup d’actions sont citées dans le rapport dont je parlais ci-dessus pour « décarboner le cinéma ». En ce sens, on peut également penser à des collectifs engagés comme le Collectif 5%. Ce dernier est né de la réunion d’activistes écologistes, spécialistes de la prospective et différent·es acteur·ices du secteur (réalisateur·ices, acteur·ices, producteur·ices etc.) qui ont confronté leurs chiffres et leurs réflexions dans l’idée de réduire les émissions du cinéma. Ils ont alors développé des idées d’actions en faveur d’un cinéma plus sobre et plus désirable. Finalement, la question qui est posée par le collectif 5% est simple : comment raconter le monde quand celui-ci s’effrite ? D’autres collectifs de ce type existent, espérant pouvoir accompagner la transition écologique du cinéma.

Enfin, j’aimerai terminer cette discussion autour de la transition écologique du 7^ème art en parlant d’un projet porté par l’activiste écologique Camille Etienne qui a réalisé un court métrage en réduisant au maximum l’empreinte carbone de celui-ci. Ce court-métrage s’appelle « Glacier », pour obtenir les magnifiques images d’un orchestre jouant au milieu d’immenses montagnes enneigées, l’équipe a sollicité des skieurs qui ont monté tout l’équipement en ski. Le cinéma sobre est envisageable, mais non sans efforts des un·es et des autres.

Conclusion

Dans une réalité où les scientifiques, la société civile, celles et ceux qui connaissent nos terres, alertes d’une voix presque univoque sur la nécessité de changer nos pratiques, notre relation à notre environnement, il me parait important de questionner la viabilité d’une industrie qui, certes peut permettre simplement l’évasion, mais peut également sensibiliser, questionner et façonner notre imaginaire environnemental. 

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Bibliographie

Bayon E., 2012, « Le cinéma de l’humilité : un imaginaire environnemental cinématographique. », Raison publique, 17, pp. 93-104. 

« Chronique : Avatar, la voie de l’eau de James Cameron (épisode 15). », Cinérameuf [Podcast] (12/01/2023), https://shows.acast.com/cinerameuf/episodes/chronique-avatar-la-voie-de-leau-de-james-cameron.

« Décarbonons la culture », The shift project, https://ilnousfautunplan.fr/wp-content/uploads/2021/12/Culture-v2-rapport-1.pdf, consulté le 12/06/2023.

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